"Parcours Croisés" - Chapitre 10
Parcours croisés - Mardi
Chapitre 10
Annie
Jai bouclé mes 15 km en 54 minutes 30 pas mécontente, ça tournait bien, sans impression de forcer, sauf dans la côte : toujours aussi dure celle-là. Je cours depuis très jeune, et comme je ne recherche pas vraiment le chrono, je nai pas trop besoin de me concentrer sur la foulée ou la respiration ; ça vient naturellement : bon, je tiens quand même un carnet où je note mes sorties et les temps de parcours, mais sans pour autant chercher à améliorer. Jy vais au feeling. Aujourdhui les sensations étaient bonnes.
Jai bifurqué aussitôt après le bois : je lappelle le parcours des vieux ! Même tôt le matin, ils sont dehors, les mains dans le dos, un peu voûtés
ils font quoi ?
grand mystère
quand même pas dehors uniquement pour me guetter et dire bonjour ? Au tout début, ils disaient quelques mots, que je ne comprenais pas bien, mais ils ont fini par comprendre que je ne marrêterai pas pour discuter ; alors ils font bonjour de la main et moi aussi
Un truc pas drôle, cest que les vieux, ça a souvent des chiens ! eux aussi me connaissent, depuis le temps ! Mais non ! Ils courent le long du grillage en aboyant ! Le moins drôle, cest quand y a pas de grillage
Heureusement je ne me suis jamais fait mordre, mais je crains toujours un peu
Ce matin il faisait un peu chaud. Jai regretté davoir mis le collant ; un short aurait mieux convenu, mais jai quelques plaques rouges qui sont apparus sur les cuisses après le rasage dhier au soir, et jai pas voulu ajouter lirritation du frottement. Faudra que je trouve une crème pour atténuer les rougeurs : mes poils qui débordaient, cétaient pas génial ; mais ces plaques rouges, cest carrément nul ! et là je peux pas faire grand-chose. Si ça passe pas, tant pis, pas de string ; je machèterai un petit shorty en satin.
Je connais de vue à peu près tous les occupants des maisons devant lesquelles je passe.
Après la douche, jai vu que les plaques rouges étaient un peu boursouflées et gagnaient du terrain, partout où jai rasé ! Quelle galère ! tout lintérieur des cuisses, en remontant le long des lèvres
franchement moche, et en plus ça irrite
pas question de menduire de lotion comme dhabitude après mon jogging
ça pourrait faire une réaction encore pire ! jai enfilé un caleçon en lycra pensant éviter les frottements, mais jai dû lenlever très vite, cétait pire ! je suis restée toute la matinée en t-shirt et petite culotte, cest encore le moins gênant. Et puis je nai plus bougé de la matinée. Je me suis installée à lombre, sur la terrasse, et jai bouquiné, une bouteille deau et un paquet de gâteaux à portée de main.
Je nai pas entendu mon voisin travailler dans son jardin de toute matinée : dommage, jaurais bien trouvé une bonne raison de lui parler
pas de mal à ça
cest un sacré beau mec
Martina aussi est canon
pas de film, je lui arrive pas à la cheville, cest sûr
mais nempêche, jai bien vu quil matait, lautre jour
je faisais exprès daccord, et ça navait pas lair de lui déplaire
aujourdhui pas question ! je vais pas lui mettre mes plaques rouges sous le nez ! Cest quand même con, ces saletés, je peux même plus montrer ce que jai de mieux ! Cest sans doute aussi bien
jouer à ça avec des inconnus
bon
mais maintenant on se connaît, ça change tout
et puis je sens que Martina pourrait être une vrai amie, alors cest idiot dallumer son copain
Faut avouer, jaime bien ces petits jeux de provoc : allumer gentiment, montrer des petits bouts, imaginer les regards et les pensées qui vont avec. Le mieux pour ça cest les galeries marchandes et les grands magasins
loin de chez moi
toujours loin de chez moi
Une fois jai baladé un type dans tout le supermarché pendant au moins une heure. Je lai accroché sans faire exprès : javais dû me baisser un peu trop, montrer mes cuisses. Faut dire que jétais
court vêtue
pas franchement ras la touffe, mais pas loin. Jai remarqué à un moment que cétait toujours le même caddy derrière moi, que le type qui le poussait détournait la tête à chaque fois que me retournais. Le pauvre ! il fouillait dans les rayons, mais trouvait jamais ce quil voulait, dis-donc ! pas de bol ! son caddy était désespérément vide ! Alors je lai baladé
et que je me baisse
et que je tourne du cul
même une petite démangeaison, oui , là
ça gratte
on a visité le rayon des petites culottes : et je les tripotais, les étirais, les levais à la lumière, testais la douceur contre ma joue
et les strings que je présentais devant moi, pour voir leffet que ça ferait
et celui-là ? tout en bas ? là, tout au fond ?
ty vois bien là ? msieur ? jen montre assez ?
Je me dis des fois quil y en a un qui va me suivre jusquà ma voiture, et
et quoi ? je devrais peut-être me calmer
je me doute bien que ça en fait bander quelques-uns, que ça pourrait être dangereux, mais
je le fais pour moi
mais ça me fait tellement mouiller !!! et puis peut-être .
Les cabines dessayages, cest pas mal non plus ! Pas celles avec des portes, cest pas drôle ! Non, celles avec des rideaux
plus ou moins bien fermés, et puis des glaces ; qui permettent de voir, de guetter si
des fois
quelquun mate ; de surprendre un regard qui sattarde
. Je le fais aussi
je mate aussi ; des femmes, souvent. Rare de surprendre un type en train de se déshabiller, et puis cest pas drôle, toujours un pan de chemise qui gêne, et puis ils vont vite, ça les fait chier dessayer des trucs ! Alors que les filles, ça essaye, ça tourne, ça prend plusieurs trucs alors ça recommence
cest plus découvert, les filles. En culottes, en soutif, ou sans, en string, en jolies dentelles. Jaime bien
je suis pas lesbienne, enfin je crois pas, jai juste un peu essayé, et pas longtemps, mais jaime bien le corps des femmes, les attitudes quand elles sont seules, ou se croient seules ; je me reconnais un peu sans doute, terrain connu. Mais je préfère montrer que voir. Monter et bien sûr, savoir que je suis vue. Les regards
quest-ce que cest bon un regard ! de femme ou dhomme, ça mest égal, mais être regardée
me faut un psy, cest sûr ! En attendant, lexhib, cest le pied ! Ceux qui matent en douce, en croyant que je ne le sais pas, croyant surprendre, à mon insu
cachés, hésitants
et puis parfois nos regards qui se croisent
il y en a qui fuient, la plupart, gênés dêtre pris en train de mater ; et puis ceux qui restent, qui continuent en se sachant découverts. En général, si cest un homme, je joue la surprise, loffusquée, je tire le rideau ; quand cest une femme, de temps en temps, il y a un petit sourire, complice ou amusé, et ça peut continuer. Un jour, une jeune femme, 25-30, a continué à se rincer lil un moment en me souriant et sest carrément approchée, et ma demandé si elle pouvait utiliser la même cabine : « il y a beaucoup de monde ».
Voilà un moment que je rêve, le livre ouvert sur mes genoux. Jai bien tourné quelques pages en rêvant, mais je serais bien incapable de me souvenir de ce que jai lu ! Lange noir et Parker (bouquin de Connolly) se sont égarés au rayon des petites culottes et devant un rideau entrouvert
Jai glissé mon marque-page un chapitre en arrière, au hasard, posé mes lunettes sur le livre.
Jai fait une petite sieste en attendant que se calme la chaleur de laprès-midi, une main, sage, glissée entre mes cuisses.
Comments:
No comments!
Please sign up or log in to post a comment!